LE FER ET LA FOI
Norbert Hillaire
décembre 1991
Quand Valtat croit qu’il sculpte, il ne croit pas qu’il sculpte, mais quand il ne croit pas qu’il sculpte, il ne croit pas non plus qu’il ne sculpte pas.
D’où son éternel va et vient entre les plis et les replis, les abandons de son matériau de prédilection auquel il ne croit plus : le fer, qu’il s’approprie quand et parce que ce matériau témoigne principalement des malheurs de son âge, et quand d’autres indices témoignent que ce matériau peut être, encore et toujours objet de foi (quand ce matériau continue de figurer, dans les formes que lui a donné une industrie en voie de disparition, une algèbre initiale, une vieille alchimie, et demeure, en cela même, toujours digne de foi).
Ainsi, le fer, chez Valtat, est à l’image de Dieu : un confrère architecte qui n’est jamais là quand on le lui demande, et toujours là quand bien même on pourrait s’en passer.
C’est pourquoi son oeuvre pratique un culte immodeste et pourtant heureusement incertain des oppositions entre la construction (le topos, ce qui, comme le fer est bien là, ou qui fut – même pesamment), et l’utopie (ce qui, quand l’idée du fer n’a plus lieu et paraît nous indiquer qu’il n’y a plus de raisons de sculpter, n’en continue pas moins de nous faire signe depuis cette absence de lieu, et fait qu’on ne croit pas qu’on ne sculpte pas).
Entre forme informe et structure, entre absence et présence, Valtat trouble les âges (de la pierre, du fer, ou du reste léger – et néanmoins pesant – où nous sommes).
Cela se traduit, bien sûr, par l’assimilation apparemment limpide dans ses pièces de l’ordre et du désordre, de la musique et du bruit, de la géométrie et des courbes (qu’on assimile parfois abusivement à l’image du baroque).
Pourtant, il n’est pas sûr qu’il ne faille pas rechercher le baroque et l’accident? (chez Valtat comme ailleurs) dans les fragments les plus ordonnés, géométriques, construits, de son travail, et la véritable harmonie (ou sa nostalgie, ou son utopie), dans les plis, les courbes, les maladresses et les désordres nombreux dont le fer, auquel il croit sans y croire, figure le signe ambigu, à la fois l’apogée et le déclin.
(1) aussi incongrue puisse paraître l’idée d’une « nature artificielle ». Mais à bien y regarder, on se rend compte qu’elle l’a toujours été, du moins les images que nous en avons élaboré.
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